Dernier poème du recueil Les Châtiments, daté du 2 décembre 1852, jour de la proclamation de l’empire.
Mes nobles compagnons, je garde votre culte.
Je serai, sous le sac de cendre qui me couvre,
Devant les trahisons et les têtes courbées,
Oui, tant qu’il sera là, qu’on cède ou qu’on persiste,
Je ne reverrai pas ta rive qui nous tente,
J’accepte l’âpre exil, n’eût-il ni fin ni terme,
Si l’on n’est plus que mille, eh bien, j’en suis ! Si mêmeUltima Verba
Bannis, la République est là qui nous unit.
J’attacherai la gloire à tout ce qu’on insulte,
Je jetterai l’opprobre à tout ce qu’on bénit !
La voix qui dit : malheur ! la bouche qui dit : non !
Tandis que tes valets te montreront ton Louvre,
Moi, je te montrerai, César, ton cabanon.
Je croiserai les bras, indigné, mais serein.
Sombre fidélité pour les choses tombées,
Sois ma force et ma joie et mon pilier d’airain !
Ô France ! France aimée et qu’on pleure toujours,
Je ne reverrai pas ta terre douce et triste,
Tombeau de mes aïeux et nid de mes amours !
France ! hors le devoir, hélas ! j’oublierai tout.
Parmi les éprouvés je planterai ma tente :
Je resterai proscrit, voulant rester debout.
Sans chercher à savoir et sans considérer
Si quelqu’un a plié qu’on aurait cru plus ferme,
Et si plusieurs s’en vont qui devraient demeurer.
Ils ne sont plus que cent, je brave encor Sylla ;
S’il en demeure dix, je serai le dixième ;
Et s’il n’en reste qu’un, je serai celui-là !
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